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L'Alouette 3 a 50 ans, qui l'eut cru ?

par Jean-Marie Potelle - 7 avril 2009

Jean-Marie Potelle, l'auteur de ce récit, à bord de son Alouette 3 - Photo ©  X - en cas d'observation sur le copyright de cette photo merci de nous contacter

Elle aura fait les beaux jours de bon nombre d’équipages mais son histoire ne fut pas si simple. Les équipes de Charles Marchetti et Jean Boulet avaient retenu ce qu’exprimait Igor Sikorsky en disant que l’une des conditions essentielles à respecter pour réussir dans les Voilures Tournantes était de veiller à la continuité technique. Suivant ce conseil, il était envisagé un successeur à la fameuse Alouette 2. Une machine plus puissante, plus performante et plus robuste. Après avoir soumis leur idée, la déception fut grande car la Direction leur imposait une étude sur un appareil plus lourd multimoteurs, demandé par les militaires.

Le futur « Frelon » était l’objectif. Il ne fut pas, on le sait, une réussite. Néanmoins, l'idée de la future Alouette 3 était bien ancrée dans les esprits.

Les idées de base étaient les suivantes : Un appareil de sept places, une turbine plus puissante qui existait déjà puisqu’essayée sur l’Alouette 3150. Un rotor principal de 11 m et un rotor anti-couple tripale de 1,84 m. L’hélicoptère serait caréné, les essais ayant été effectués sur le « Gouverneur ». Seule la partie motrice supérieure ne le serait pas pour la facilité d’entretien. La cabine agrandie permettrait d’accueillir sept personnes ou deux blessés couchés ; les portes arrières étant coulissantes pour faciliter l’accès. La charge serait augmentée de 250 kg par rapport à l’Alouette 2. Quant à la visibilité, elle ne devait en rien être altérée. Ce qui était également visé : les performances en altitude et par temps chaud.

Malgré ce projet bien élaboré, il fallait des crédits pour agir.

En dépit de maintes discussions avec les décideurs, la réponse était toujours la même, l’appareil à étudier devait permettre le remplacement des Sikorsky H 34 et Vertol H 21. Pour ne pas contrarier tout ce beau monde, la turbinisation d’un H 34 avec un groupe Bi-Bastan d’une puissance totale de 1900 cv se fit sans grand succès.

En 1954, les membres de ces équipes étaient qualifiés de « Rêveurs et Farfelus » et maintenant après l’Alouette 2 les termes avaient changé et devenaient « Raseurs et Têtes de lard ».

Jean Boulet, le premier à avoir volé sur Alouette 3 avec Robert Malus - Photo © Sud Aviation - Collection JMP - En cas d'observation sur le copyright de cette photo merci de nous contacter

Le président Georges Héreil s’aperçut que finalement ces « Raseurs » n’avaient pas tout à fait tort et il accorda une somme de 1 000 000 de Francs pour réaliser le projet en question. L’Alouette 3 avait sa chance, sinon en cas d'échec, direction : recherche d’emploi. Malgré la somme dérisoire, deux prototypes furent lancés.

Tout se déroula comme prévu et Jean Boulet, assisté de Robert Malus, fit le premier vol le 28 février 1959 sur la F-ZWVQ et Roland Coffignot décolla le deuxième F-ZWVR en mai 1959.

Le rotor anti-couple de Bravo Lima - Photo ©  X - Collection JMP - En cas d'observation sur le copyright de cette photo merci de nous contacter

De nombreuses présentations furent demandées en particulier pour le 23ème Salon du Bourget, ce qui retardait les essais pour la certification. Enfin, le calme revint et l’Alouette 3 et le 3150 se retrouvèrent dans les Alpes pour des essais d’atterrissages et décollages à plusieurs altitudes avec arrêts et remises en route sur le Dôme du Goûter à 4304 mètres d’altitude.

Jean Boulet décida d’aller se poser sur le toit de l’Europe, le Mont-Blanc à 4807 m. avec six personnes à bord. Ceci confirma le bien-fondé de toutes ces équipes et les formidables résultats obtenus en altitude. Mais toujours pas de commande à l’horizon.

Après les vacances d’été, l’Etat Français passait un marché de trois appareils. Par contre, la liberté d’action n'était plus donnée, ce qui entraîna de nombreuses réunions avec les Services Officiels et en particulier le CEV.

Les trois premières Alouette 3 furent livrées dans les temps en 1960. Les contacts avec les amis Indiens se poursuivaient car ces derniers avaient besoin de machines de ce type et ceux-ci demandèrent des vols dans l’Himalaya.

Jean Boulet quitta Paris le 6 octobre 1960 pour rejoindre Delhi et le nord de l’Inde. Sur place il effectua pendant 10 jours plus de 30 heures de vols incluant plusieurs sorties dans l’Himalaya à partir de bases de départ non préparées. Lors d’une de ses sorties, il posa l’Alouette 3 à 6004 mètres sur le Deo Tibaa avec à bord deux personnes et 250 kg de matériel sans utiliser la puissance disponible.

Tous ces efforts vont être récompensés après que soit établi un dossier technique, financier et commercial sérieux clair et précis.

Une série de trente appareils fut commandée et le premier de ceux-ci fut livré le 25 juillet 1961 à la Birmanie. Puis ce sera la commande de 50 appareils pour les Forces Armées Françaises.

Et la vente à l’étranger de 45 Alouette 3 ; fin 1961, 130 SE 3160 étaient commandées avec une cadence de sortie de huit appareils par mois.

Au 24ème Salon du Bourget, l’Alouette 3 et toute l’équipe se voyaient décerner le Grand Prix International de Giraviation par l’Aéroclub de France. Les certifications vont se succéder, 15 décembre 1961 par la SGAC N° 14, 27 mars 1962 par la FAA N° H1 1 N, Allemagne le 8 juillet 1963 N° L 3019 et CAA 12 septembre 1964 N°FR 5. Aujourd’hui on sait ce qu’est devenue cette MERVEILLE et beaucoup de personnes lui doivent la vie.

René Romet du côté d'Annecy dans l'Alouette 3 au travers d'un objectif "fisheye" - Photo ©  X - Collection JMP - En cas d'observation sur le copyright de cette photo merci de nous contacter

Maintenant rentrons dans les détails.

La trappe, la porte coulissante, le panier porte charge et le treuil - Photo ©  X - Collection JMP - En cas d'observation sur le copyright de cette photo merci de nous contacter

La Structure

Quatre parties : Avant, inférieure, centrale et poutre de queue. L’ensemble est caréné, sauf la partie voisine du turbomoteur. La structure avant inférieure qui supporte la cabine est constituée de deux poutres longitudinales servant au support et au raidissage du plancher. Chacune de ces poutres porte une ferrure fixant la structure avant sur la structure centrale. Cette dernière se compose essentiellement d’un bâti en tubes d’acier soudés recouvert par des capotages mobiles et d’un plancher mécanique. Des échelles latérales facilitent l’accès à la tête rotor. La poutre de

queue, de construction monocoque, est destinée à recevoir la transmission arrière, le rotor arrière, l’empennage et le plan fixe horizontal sur lequel sont fixés deux dérives.

Une visibilité exceptionnelle durant la descente des Mottets à Chamonix - Photo ©  Lionel De Souza - Collection JMP

La Cabine

Elle est constituée d'une armature et d'une verrière fixée sur le plancher dont la partie arrière gauche est basculante permettant le treuillage. Elle est fermée par quatre portes permettant l’évacuation rapide, deux à l’avant entièrement vitrées et largables en vol, deux à l’arrière, coulissantes et relevables, vitrées à la partie supérieure. Trois sièges à l’avant et deux demi-banquettes à l’arrière. La place du pilote est à droite.

 

Train latéral droit de Bravo Lima - Photo © Lionel De Souza - Collection JMP - En cas d'observation sur le copyright de cette photo merci de nous contacter

L’Atterrisseur

Il est du type tricycle à amortisseurs oléopneumatiques. Les roues sont indépendantes et de dimensions identiques. Trois anneaux d’amarrage sont fixés sur l’atterrisseur. Celui de devant est composé d’une roue et d’une fourche montée sur amortisseur. L’ensemble est orientable avec rappel dans l’axe. Un système de blocage dans l’axe est même installé.

L’atterrisseur principal présente deux roues montées de chaque côté à l’extrémité d’un bras articulé. Elles sont reliées à la partie supérieure de la structure centrale par un amortisseur et sont

équipées de freins hydrauliques.

Une pale de Bravo Lima qui a bien travaillé - Photo © Lionel De Souza - Collection JMP - En cas d'observation sur le copyright de cette photo merci de nous contacter

Le Rotor Principal

Celui-ci est de 11,02 m comporte trois pales articulées à pas variable tournant dans le sens des aiguilles d’une montre et montées sur un moyeu rotor. Celles ci sont rectangulaires et vrillées. Elles sont constituées d’un longeron usiné à partir d’une ébauche filée en alliage léger, un remplissage en matière légère et un revêtement en tôle d’alliage léger collé sur le longeron et doublé d’un blindage inox en bord d’attaque. Vitesse de rotation en puissance 358 tr/mn, en autorotation 270/420 tr/mn.

Rotor arrière tripale de Bravo Lima - Photo © Lionel De Souza - Collection JMP - En cas d'observation sur le copyright de cette photo merci de nous contacter

Le Rotor Anti-couple

Fixé à droite et à l’arrière, il comporte trois pales métalliques de 1,91 m de diamètre et tournant à 1865 tr/mn dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.

 

 

 

Astazou 14 sur la 319 B Bravo Lima - Photo © Lionel De Souza - Collection JMP - En cas d'observation sur le copyright de cette photo merci de nous contacter

L’Installation Motrice

Deux possibilités et un même constructeur TURBOMECA. Sur la 316 B, une Artouse 3 B de puissance Thermique 640 Kw soit 870 cv, puissance sur l’arbre 570 cv (due à la limitation du réducteur de sortie) et maintenue de 0 à 5000 m en atmosphère standard jusqu’à +60° C au niveau de la mer. Vitesse de rotation 33 500 tr/mn, consommation 192 kg/h à la puissance maximale continue de 550 cv.

Sur la SE 310 B, une Astazou 14 de puissance thermique 640 kw et puissance sur l’arbre de 600

cv maintenue de 0 à 4000 m en atmosphère standard ou +55° au niveau de la mer. Vitesse de rotation 43 000 tr/mn, consommation 164 kg/h à la puissance maximale de 550 cv.

Le tableau de bord de Bravo Lima sur la DZ des Bois à Chamonix - Photo ©  X - Collection JMP - En cas d'observation sur le copyright de cette photo merci de nous contacter

Les Commandes

Des servo-commnandes hydrauliques sont montées sur le pas cyclique et le pas général. La commande de direction est équipée d’un amortisseur hydraulique. L’appareil reste pilotable même en cas de panne de servo.

 

 

Tableau de bord IFR version Héli-Union - Photo ©  X - Collection JMP - En cas d'observation sur le copyright de cette photo merci de nous contacter

Le Tableau de bord

De conception très simple  pour ne pas prendre trop de place dans la cabine. Quelques « breackers » au plafond ainsi que quelques interrupteurs. Seule modification : l’arrivée d’un calculateur qui permet de donner l’altitude densité, le pas maximal autorisé, la masse maximale décollable, l’altitude optimale de croisière et la masse au décollage. Un progrès pour le pilote.

 

Les optionnels

- Les skis

- La flottabilité de secours

- Le treuil, qu’il soit de 25 ou 40 m

- Le panier porte-charge

- Les haut-parleurs

- Le sling

- Les rétroviseurs

Ce qui a été essayé

- La 3164 Alouette 3 avec canon dans l’axe

- L’Alouette 3 avec mitrailleuse de sabord

- L’Alouette 3 avec missile SS 10 et SS 11

- L’Alouette 3 IFR (version Héli Union) avec PA Hélistab de Sfena, doublement de la génération électrique Auxilec 520, mise en place d’une génération électrique de secours continue et alternative, doublement du système anémométrique, complément d’instrumentation 2 VHF, 2 VOR, 1 Radio compas, 1 DME, 1 transpondeur, 1 sonde Altimétrique. Montage d’horizons transmetteurs 4217 Sfena pour alimenter le PA et montage d’un gyro magnétique.

- Le repliage des pales en particulier sur les bâtiments de la marine Nationale.

- Le harpon hydraulique pour fixer l'Alouette 3 sur le pont des navires.

Les exploits

- Alouette 3 SA319 posée le 18 février 1973 au sommet du Kilimandjaro à 5480 m en Tanzanie et le 20 février 1973 au Kenya sur le sommet du même nom à 5240 m, Pilote : Daniel Bauchart

- Alouette 3 SE 316C posée au sommet du Popocatépetl à 5400 m (Mexique), Pilote : Claude Aubé

 Caractéristiques et Performances

  316 C 319

Schémas

Longueur hors tout 12,84 m 12,84 m 3 vues et dimensions - Schémas extraits du manuel de vol © Aérospatiale - Collection JMP - En cas d'observation sur le copyright de ce document merci de nous contacter
Largeur hors tout 11,02 m 11,02 m
Largeur pales repliées 2,60 m 2,60 m
Hauteur 3,00 m 3,00 m
Masse à vide 1105 kg 1140 kg
Masse maximale 2100 kg 2250 kg
Capacité du réservoir 555/565 l 555/565 l
VNE 210 km/h 220 km/h Descriptif - Schéma extrait du manuel de vol © Aérospatiale - Collection JMP - En cas d'observation sur le copyright de ce document merci de nous contacter
Vitesse de croisière 190 km/h 195 km/h
Plafond Pratique 4250 m 4000 m
Stationnaire DES 2000 m 3100 m
Stationnaire HES 550 m 1700 m
Distance franchissable 560 km 590 km
Elingue 750 kg 750 kg

Le 28 avril 2004, l'Alouette III, porte ouverte, trappe baissée, treuil de 40 mètres en action

La production de la BELLE ALOUETTE 3 s’est arrêtée en 1979 avec 1472 appareils construits à Marignane, 230 en Roumanie, 300 en Inde et 60 en Suisse. La plus célèbre, Bravo Lima de la Gendarmerie Nationale, a rejoint le Musée de l’Air au Bourget après avoir réalisé 13 967 heures de vol et sauvé 15 632 personnes dans le Massif du Mont-Blanc avec un autre record celui du pilote, Didier Méraux, qui a réalisé 8620 treuillages et secouru 4488 personnes. Elle sera suivie prochainement par un appareil de la Sécurité Civile au mois de mai 2009.

Pourquoi n’a-t-on pas tenté de moderniser cette machine qui aurait certainement rendu beaucoup d’autres services ?

Jean-Marie Potelle

Merci à J-M Potelle pour cette rétrospective très détaillée de l'Alouette 3.

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Rétrospective en photos

Photos extraites des archives personnelles de Jean-Marie Potelle

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