Un hélicoptère dans
les terres australes
par Jean-Marie Potelle - 3 mars 2009
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Crozet, Kerguelen, Saint Paul et
Nouvelle Amsterdam, des îles pas très proches de chez nous mais qui
présentent une particularité : la présence de bases scientifiques.
Celles-ci doivent être ravitaillées régulièrement et le personnel
remplacé. C’est ce qu’assure le Marion Dufresne qui appartient aux TAAF (Terres Australes en Antarctique Française) et à l’IFRTP (Institut Français pour la Recherche et la Technologie Polaire). Ce
bâtiment est basé à la Réunion. Ce dernier ne pouvant s’approcher
pour déposer hommes et matériels, l’hélicoptère est le bienvenu. |
Le contrat a été
signé avec HELILAGON que dirige Jean-Marie Lavaivre, un Chamoniard
d’origine. Voilà deux ans que Jean-Marie fait appel à un autre Chamoniard
spécialiste du levage, Pascal Brun
de CMBH.
Après avoir démonté
les pales de l’Ecureuil AS 350 B2, l’appareil est mis en soute et le voyage
peut commencer.
Le Marion Dufresne,
c’est 120 m de long et 9200 tonnes de masse. A bord : 940 tonnes de gas-oil, 750 tonnes de
marchandises et de vivres divers, 160 personnes dont 50 hommes, 18
touristes, 8 alpinistes et 84 techniciens divers et un hélicoptère.
Cap au sud en
direction de l’archipel des Crozet. Doucement l’air et l’eau sont devenus
plus froids. 4°C dans la mer et entre 1 et 5° à l’extérieur avec un taux
d’humidité de 75%. On se gèle !
Après 5 jours de
voyage, la terre est en vue. Tout d’abord vers l’Île de la Possession. Les
Crozet c’est en fait 5 îles, l’Île aux Cochons, des Pingouins, de l’Est, des
Apôtres et Possession. Premières rotations
pour le courrier malgré un sale temps, pluie, vent, grésil et même neige et
ce pendant trois jours. Admiration totale pour le pilote sur les 146 km2 de
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île.
Le vent passe de 25 à 95 km/h et seuls deux colis n’ont pu être emmenés par
la voie des airs car trop lourds ou présentant une surface importante au
vent. 15 heures 1/2 de vol pour la base « Albert Faure » construite en
1964. Le soleil n’est
toujours pas là; la brume et la mer ne font qu’un et sur le pont une pluie
fine s’abat. Direction les Kerguelen où à part les rotations habituelles, un
berger et ses deux chiens doivent être déposés. En effet des centaines
d’ovins sont élevés dans une des îles et doivent régulièrement se défouler.
Les Kerguelen
doivent leur nom à Yves de Kerguelen, un Breton qui les a découvertes au
XVIII ème siècle. 6500 km2 de superficie, 2300 km de côtes et 400 petites
îles autour. Situation : 50° Sud 70° Est, donc très au sud. Les navigateurs
appellent cette zone « les Cinquantièmes Hurlants ». La mer, quand elle se
déchaîne ne fait pas semblant. Ce qui saute aux yeux c’est la « Porte du
Diable » symbole de l’archipel ou « l’Arche des Kerguelen » sculptée par
les tempêtes du Nord-Est et qui a perdu son chapeau en 1910. Le point
culminant est le Mont Ross, 1850 et Pascal s’est fait un point d’honneur de
poser ses patins au sommet.
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La base « Port aux
Français » a été créée en 1950. Ce qu’on y trouve : des ruines d’anciennes
usines ayant servi à la fabrication d’huiles de baleines et d’éléphants de
mer. Le rôle de l’hélicoptère est également d’aller repérer ces vestiges.
L’île du Château,
est infestée par les rats des champs et de souris amenés il y a plusieurs
années par les bateaux à tel point que les oiseaux n’osent plus s’y poser.
La mission est d’étendre du poison pour les détruire. Autres animaux que
l’on trouve, des lapins et des chats. Ceux-ci sont devenus de véritables
félins.
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Autre mission :
aller déposer des touristes dans un des refuges malgré des conditions
exécrables. Ensuite construction de refuges sur les îles du Château et
Verte. Le capitaine en second sermonnera Pascal car le fait de voler au-dessus d’une eau à 4° avec seulement une combinaison et un gilet de
sauvetage n’était pas raisonnable en cas d’incident.
Ravitaillement de
« Sourcil Noir » où le refuge se trouve très encaissé et où convergent deux
petits torrents sans truite faute d’alevinage, l’hélicoptère n’ayant pu s’y
poser à cause du brouillard.
Direction l’Île
Amsterdam. En cours de route, nouvelle mission : recherche d’un bateau en
situation illégale de pêche. 2 h 30 de vol sans aucune côte en vue, au
milieu de l’Océan. Seul contact la radio toutes les dix minutes grâce à la BLU
(Bande Latérale Unique) mais tout le monde peut entendre et connaître la
position.
Trois jours vers le
Nord, plus de chaleur pour atteindre Amsterdam. Cette île est située au
niveau des « Quarantièmes Rugissants » (40° Sud 70°Est). Superficie 54 km² et
un point culminant à 880 m. Beaucoup de végétation et de nombreux potagers
sont présents. Les fonds marins sont réputés pour la langouste. Autre
particularité, la présence de vaches. Il y a un peu plus de cent ans un
paysan réunionnais s’était installé avec sa famille et quelques bovins.
La solitude le
mènera à repartir en laissant son troupeau sur place ce qui fait que l’île
est envahie par les vaches sauvages. C’est par un abattage massif que se
règle le problème. En dehors des
approvisionnements en nourriture en particulier pour la base « Martin de Viviès » créé en 1950, il y 150 bigs bags
qui attendent le transport par hélicoptère. Le lendemain : encore
le ravitaillement de deux refuges de l’île.
Vers Entrecasteaux, Pascal aperçoit les grandes falaises sur lesquelles se
nichent les albatros géants. 7 heures de vol ce jour-là. |
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Grosse surprise
lorsqu’il est en l’air avec les oiseaux à utiliser cet espace aérien, un «
Panther » de la Marine vient dire bonjour. Jamais aucun avion ne vole sur
cette partie du globe. Après un contact radio, il s’avère que son bâtiment n’est
pas loin et doit être ravitaillé en fuel par le Marion Dufresne. Après cette
surprise, c'est l'arrivée à Saint Paul, petit cratère volcanique situé à 80 km au sud
d’Amsterdam. Ce sera de nuit.
Dépose de quatre
personnes qui vont rester un mois à fouiller et essayer de faire parler les
ruines d’une ancienne conserverie de langoustes.
Les chiffres qui
parlent :
- 26 jours en mer pour le périple
- 12m la longueur moyenne de l’élingue
- 2 à 4 mn pour les rotations suivant l’état
de la mer
- 600 à 1000 kg pour les charges emmenées
- 30 personnes à Crozet et 50 à Kerguelen
furent déposées
- Entre 1,5 et 7 h temps de vol moyen par jour |
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Retour vers
Amsterdam pour embarquer du matériel. Le dernier vol s’effectuera à la
limite de la visibilité. Puis dépose de techniciens sur le relais des « Trois Demoiselles » à 700 m de haut et retour des hivernants. La mission
touche à sa fin et beaucoup d’émotions au moment du départ vers la Réunion.
Il est certain que Pascal y retournera. Mais pour cette fois, nous sommes en
2005, Pascal a vécu de grands moments qui resteront à jamais gravés en lui. Après l’Océan
Indien, retour à la Mer de Glace. |
Jean-Marie Potelle
Merci à
J-M Potelle
pour ce récit du bout du monde.
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Pascal est retourné dans
«
ses »
îles fin 2008 ; bientôt de
nouvelles anecdotes...
En attendant, cliquez
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Photos © collection Jean-Marie Potelle
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