Il y a cinquante
cinq ans, le SO 1221 où la réaction en chaîne
par Jean-Marie Potelle
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Chacun a déjà pu observer les petits tourniquets que l'on utilise parfois pour
arroser les pelouses. Son principe, un tube posé sur un pivot et percé de deux
trous aux extrémités orientés dans des directions opposées. En jaillissant,
l'eau sous pression, fait tourner l'arroseur par réaction. Avant
de parler du DJINN, un petit retour en arrière est nécessaire. En effet, c'est
en 1942, qu'un jeune ingénieur Autrichien, Friedrich von Doblhoff, réussit à
convaincre ses autorités de tutelles de l'intérêt de ses recherches sur
un autogire dont le rotor serait mû par réaction. il réussit même à construire 4
appareils |
dont le V-4 qui
volait de manière acceptable. Mais la guerre survint et l'histoire de ce
jeune ingénieur faillit s'arrêter là. Durant
cette période mouvementée, la SNCASO (Société Nationale de Construction
Aéronautique du Sud Ouest) s'intéressait à diverses études concernant les Voilures Tournantes et en particulier avec réaction en bout de pales.
Un département
Giraviation fut confié à Paul MORAIN. Dans l'un des dossiers existait un
appareil mi hélicoptère, mi autogire à rotor propulsé par des
statoréacteurs, le S0 1110 et un autre biplace hélicoptère toujours à
réaction le SO 1200. En 1946 arrivèrent trois ingénieurs Autrichiens et le
matériel Doblhoff.
La formule "Combiné" eut plus de succès auprès de la Section Voilures Tournantes du STAé (Service Technique de l'Aéronautique) dirigé par Roger GARRY. Le SO
1100 fut baptisé "Arriel" et fut exposé au Grand Palais à Paris. Les
premiers essais s'effectuèrent en 1947 et le 13 mai, l'appareil arrimé au
sol s'éleva aux mains de Jacques GUIGNARD. Le moteur Mathis G 7 qui
l'équipait ne donna guère satisfaction.
Le 21 avril 1950,
le SO 1110 "Arriel 2", décolla aux mains de Claude DELLYS, la partie
autogire avait disparu. Puis vint l'une des premières turbines, l'Artouste
de Turboméca pour équiper l'Arriel 3. Cette nouvelle version donna de bonnes
sensations grâce à son compresseur "Arrius" au débit d'air suffisant pour
alimenter une buse placée en bout de la poutre de queue (le NOTAR était
inventé) donnant un contrôle en lacet suffisant ; démontrant ainsi
l'efficacité et l'intérêt de la propulsion des rotors par réaction. Un des
défauts la consommation en carburant qui était énorme.
La construction d'un
autogire revint d'actualité avec le SO 1310 "Farfadet" C'est un ingénieur
Français qui eut
l'idée de construire le SO 1220 sans statos
en bout de pales mais utilisant un compresseur surpuissant qui soufflerait
l'air à travers des pales creuses dont l'extrémité étaient équipées de buses
d'éjection.
Turboméca, cette année là sortait la fameuse "Palouste", turbogénérateur
de gaz dont le débit d'air équivalait à 250 CV à condition que l'appareil
soit bipales, les appareils précédents, je le rappelle étaient équipé de
trois pales.
Tout fut mis en oeuvre pour construire cet hélicoptère et comme
disait l'Ingénieur Ferber "construire n'est rien, mais faire voler c'est
tout".
L'appareil, rustique était monoplace et ne présentait aucune verrière. Il
fit son premier vol aux mains de Jean DABOS le 2 janvier 1953 à Villacoublay.
Il s'agissait du
S0 1220-01 F-WCZX. Le turbogénérateur se démarrait
électriquement, l’appareil étant peu handicapé par des problèmes de masse.
Puis vint le 02, auquel on mit un plexiglas. Le F-WGVD (aujourd'hui au Musée de
l'Air du Bourget) eut son diamètre rotor passé à 10 m au lieu de 8,60 pour
son prédécesseur. Cet appareil réussit à se poser au Chaberton dans le
Briançonnais à 3136 m.
Puis
ce fut le biplace SO 1221 immatriculé F-WGVH qui fit son premier vol le 14
décembre 1954. Équipé de la dernière génération des "Palouste", il se vit
affublé d'un gouvernail agrandi en hauteur pour plus d'efficacité et de
nouveaux soufflets
en caoutchouc permettant l'oscillation du plan rotor.
A part l'ALOA, devenu ce que l’on sait, le
DJINN commença à attirer l'attention de nombreux pays dont nos amis SUISSE. A ce point qu'à l'initiative du célèbre
pilote Hermann GEIGER, une démonstration eut lieu près d'Interlaken. Jean DABOS, pour montrer les possibilités de
cet appareil décida d'aller se poser au sommet de la Jungfrau. La zone de posé étant trop étroite, il dut
renoncer et porta son attention sur le Mönch. Il s'y posa réellement mais
devant la non reconnaissance des autorités qui n'avaient rien vu depuis le
sol, il se décida d'y retourner avec son mécanicien et d'y planter le
drapeau Français. Mais quel "Scandale", il paraîtrait même que nos amis
Suisse auraient envoyé des Vampires " descendre " cette profanation. Le
lendemain l’équipe devait quitter les lieux.
Mis à part cette
anecdote, l’ami Jean DABOS avait quand même battu le record du monde
d’altitude pour les appareils de moins de 500 Kg avec 4789 m. il récidivera
en montant le « DJINN » à 8456 m mais le record ne fut jamais homologué.
Ce sera en 1956, que le SO 1221 trouvera une
activité dans le civil. Autant dans le militaire, ils étaient utilisés pour
l'observation et l'évacuation des blessés, autant dans le civil
leur vocation fut l'agricole grâce à sa cellule courte et l’absence de rotor
anticouple lui permettant de se poser pratiquement partout.
Le « SO 1221 » fit une
carrière internationale que ce soit en Europe, dans les Amériques et même
Afrique du Sud et Israël. A son actif également,
des missions dans l’Antarctique et dans les îles Crozet-Kerguelen.
Certains furent
construits à La Courneuve d’où FC et d’autres à Rochefort d’où FR , pour les
numéros de série. 178 furent construits dont 100 pour l’ALAT.
Description sommaire du SO 1221 DJINN
Fuselage et
Atterrisseur :
Le fuselage est
constitué d’une armature très légère, rigide en tubes d’acier soudés.
L’armature est calculée avec un coefficient de sécurité égal à 5. Le poste de pilotage se
trouve à l’avant et peut recevoir deux sièges dont le réglage dorsal s‘effectue de
l’extérieur. L’équipage est protégé par un pare brise en
plexiglas. Deux
portes souvent enlevées lors des vols, existent pour fermer complètement
l’habitacle, surtout en hiver. Un système de chauffage de la cabine avait
même été prévu. La console de bord est
équipée de l’essentiel pour les contrôles moteur et paramètres de vol. La place pilote est à
droite et c’est également à cet endroit que l’on trouve en haut les éléments
pour démarrer le « Lavalette ». Juste derrière, le poste de pilotage est
placée la cloison pare feu et le bâti en tube qui supporte l’ensemble rotor.
Poids total du fuselage 30 Kg.
Le « DJINN » est
supporté au sol par un train à 2 patins tenus en porte à faux à l’extrémité
de 2 tubes transversaux. Ce système permet une certaine souplesse. Deux
roues permettent le déplacement de l’appareil au sol. Le rotor est constitué
de deux pales métalliques creuses avec tuyères d’éjection d’air orientées à
90° en bout et de sens opposé (jet d’eau) et attelées à un moyeu librement
oscillant.
Le turbogénérateur « Palouste 4
» est essentiellement constitué d’un ensemble turbine-compresseur. Il comprend un compresseur centrifuge et une chambre de
combustion annulaire dans laquelle l’air comprimé se mélange au combustible.
La « Palouste 4 » a un
débit d’air de 1,100 kg/s sous une pression de 2,7 Kg/cm2.
Cet air est envoyé vers
les pales par une canalisation partant du compresseur. A l’arrière, dans le
souffle du moteur se trouve le gouvernail permettant le contrôle en lacet.
Il faut également souligné que cet appareil fut le premier à avoir des pales
dégivrées, à cause de l’air chaud traversant les pales, et le premier
hélicoptère bimoteurs. Qu’on se le dise !
Les appréciations du
pilote de « DJINN »
J’ai à
mon actif plusieurs centaines d’heures de vol sur cet hélicoptère et je dois
dire que je n’ai jamais ressenti sur d’autres hélicoptères de générations
différentes jusqu’à ce jour ces sensations et angoisses que m’ont offert cet
appareil. Le pilotage était musclé car pas de servos à cette époque, juste
des frictions Le centrage longitudinal se réglait de l’intérieur et il ne
fallait pas oublier. Le démarrage à l’aide du Lavalette faisait parti du
folklore heureusement que cette solution existait car dans le temps la
turbine était lancée à la manivelle d’où des complications car il fallait
être à deux. En vol, le Djinn se pilote comme tout autre hélicoptère à la
différence prêt c’est que le travail au pied est presque inexistant sauf en
travail sol. Sa voilure lourde était rassurante surtout en cas de panne
moteur car il était très difficile de perdre des tours rotors. J’avais même
à l’époque un moniteur, Jean BYBA, qui réussissait à faire trois
autorotations de suite sans remettre de puissance tant l’inertie était
grande.
Autre avantage de cet
appareil, la possibilité de faire des décollages sautés. En montant les
tours rotors au delà de 380 tr/mn, l’accumulation du matelas d’air sous le
rotor permettait de passer des obstacles hauts au décollage en tirant
brutalement sur le collectif ce qui nous faisait franchir ceux ci comme un
bouchon de champagne. Il suffisait de rebaisser le pas général gentiment
pour récupérer les peu de tours perdus.
Les inconvénients du
DJINN, son bruit, ses vibrations, sa vitesse relativement lente, sa
consommation qui limitait sa distance franchissable. J’ai de temps à autre
l’occasion de revoler sur cet appareil et je ne m’en lasse toujours pas.
Récemment Jet Systèmes
Valence dirigé par Georges MOULINS a «retapé» un « DJINN », pour un client
privé, en 3400 heures de travail. Cet hélicoptère est tellement beau que je
n’ai pu résister à mettre la photo du
F-AZAC N° 010.
Caractéristiques et
performances
Masse à vide |
360 kg |
Masse max |
760 kg |
Longueur cellule |
5,30 m |
Largeur |
1,95 m |
Hauteur |
2,62 m |
Diamètre |
11 m |
Vitesse max |
125 km/h |
Vitesse de croisière |
100 km/h |
Plafond pratique |
3100 m |
Distance franchissable |
210 km |
Moteur Palouste 4 à 240 cv |
31 000 tr/mn |
Poussée résiduelle |
30 kg |
Débit |
1,1 kg/s |
Jean-Marie Potelle
«
un pilote inconditionnel du Djinn »
Merci à
J-M Potelle pour cette
rétrospective du Djinn toujours bien présent dans son esprit!
documents extraits des archives personnelles de
Jean-Marie Potelle
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