Claude Aubé, un
sacré pilote
par Jean-Marie Potelle - 6 février 2009
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Né en 1932 au
Havre, Claude Aubé ne s’attendait pas à faire cette carrière
exceptionnelle. En 1947, il effectue un premier vol sur un planeur
125S, durée : 4 minutes. Fin 1949, il avait volé 97 fois pour un
total de 8 heures et 7 minutes. En 1950, il passe le brevet de
pilote de Tourisme sur SIPA 901 et va se perfectionner sur Stamp
SV4. 1951, l’Armée de l’Air le recrute destination Aulnat et
Meknès. Il obtient son brevet de pilote de chasse sur T 33 et compte
242 h 50 mn. 1953 il se retrouve à la 11 ème Escadre « Roussillon »
de Luxeuil après avoir été qualifié à Reims sur F 84. |
Les heures de vol
sont rares et il décide de passer aux hélicoptères en 1954. Son stage
s’effectuera sur Hiller 360 chez Héliservices à Toussus-le-Noble. Volontaire
pour l’Indochine, il va être qualifié sur S-51 et S-55 (H19) par Jean Boulet
dont je vous reparlerai. Basé à Saïgon, il va totaliser 490 heures en
évacuations sanitaires et transport de la Commission Internationale de
Contrôle. Il aura vécu 13 mois en Indochine dont 7 au Laos. Il aura été fait
prisonnier 4 jours par les Pathet-Lao.
En 1956, il est
envoyé en Algérie sur H34 à l’EH 2 de Boufarik où il passera le cap des
1000 heures. Il va rejoindre l'Armée comme Instructeur
Pilote qu'il quittera en 1957 avec, au compteur, 1390 heures de vol,
300 missions opérationnelles en Indochine et 150 en Algérie.
Retour à la vie
civile, il est employé par une toute nouvelle Société « Héliservices ». Son
premier travail : la dépose de skieurs au départ de Val d’Isère avec un Bell
47 G2. Parfois les déposes étaient limites à cause du nombre de pax* et du
matériel embarqué. Ce sera également le travail agricole et les déposes de
charges en montagne comme au refuge Albert 1er. Gyrafrique le récupère et
l’expédie en Afrique où il va rester 5 ans. La majorité du temps se passera
dans le désert. Missions : gravimétrie héliportée et recherche sismique qui
nécessitait dans certains cas des posés tous les 800m sur des centaines de
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lomètres. Seuls
repères pour la navigation : un compas magnétique douteux et les traces des véhicules
transportant hommes et matériels. A cette époque, les 10 à 13 heures de vol
par jour étaient monnaie courante. Les appareils qu’il pilotait : Bell 47 et Sikorsky S-58. En 1960, il fêtait ses 3000 heures.
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Il effectuera même un
posé avec son ami Christian Ross et un photographe au sommet du Mont Blanc
avec un Bell 47 G 3. Le S-58 utilisé dans
les Alpes va le mettre bien souvent en valeur et en particulier
lorsqu’Hermann Geiger lui demandera de venir sortir un Piper piloté par
Robert Philippe qui s’était planté lors de l’observation d’un travail
effectué par Fernand Martignoni au-dessus de Bourg Saint Maurice. L’appareil
était parti en vrille à 3000m. Le pilote, heureusement, en sortit indemne.
La seule possibilité de sortir la machine : l‘hélico piloté par Claude Aubé.
Le Sikorsky de la classe des 5 tonnes pouvait |
soulever
jusqu’à 1350 kg. La mission fut bien cadrée et le Piper déposé en douceur à
Sion. Seul problème, de par sa portance, l’avion voulait voler tout seul...
Passage à la
dimension supérieure lorsque Jean Boulet, devenu Directeur des Essais en Vol
de Sud Aviation, lui propose de le rejoindre en 1963. Il a à son actif 4198
heures de vol. Son rôle : la formation des pilotes acquéreurs des appareils
construits par la Société. Il va donc qualifier les pilotes Portugais et
Mexicains sur Alouette 2 et 3. Les démonstrations seront aussi de la partie.
Pendant ce temps-là, Boulet, Henry, Coffignot et Prost travaillaient
beaucoup sur les prototypes.
En 1965, il formera
le Roi Hussein de Jordanie à Agaba. 1966, il rejoint l’EPNER**
pour devenir Pilote d’Essai et de Réception.
Il va enchaîner les qualifications Lama, Puma, Gazelle, Super Frelon et lors
d’une mission dans l’Himalaya, il va poser son Lama à plus de 7000 m sur le
Mont Karakoram. Il lui était possible d’aller au-dessus mais les autorités
s’y sont opposées. Il a alors 7000 heures de vol. En 1970, ce sont les 10 000
heures de vol qui sont franchies. En 1976, il forme le futur Roi Juan Carlos
sur Puma. |
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Les 15 000 heures de
vol seront fêtées à Marignane après un vol sur Gazelle, car à force de
convoyages, formations et présentations en vol, il a cumulé, mais Claude
aime ce qu’il fait.
Les pays où il a
œuvré : Malaisie, Cameroun, Iran, Irak, Brésil, Zaïre, Indonésie, USA, Inde,
Mexique, Espagne, Pérou, Suède, Danemark, Républiques de l’Est, Grande
Bretagne, Italie, Allemagne, Suisse, Portugal, et bien sûr en France. Des
souvenirs, il en a beaucoup bons ou mauvais. Dans les bons, un convoyage
entre Marignane et Djakarta sur Puma en 70 heures de vol et 18 escales.
Moins drôle, un départ de feu d'origine électrique sur Puma au-dessus de la Roumanie l’obligeant
à lancer un « MAYDAY » sans suite, le feu étant maîtrisé. Une autre fois
entre le Liban et la Syrie, une interception par deux MIG 21 équipés de
missiles Air-Air à 11000 ft.
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Il y aurait
de quoi écrire un livre avec tous les récits d'aventures
passionnantes qui ont jalonné sa vie. Il restera un
sacré pilote que le monde appréciait et apprécie toujours. Ses
démonstrations en vol resteront gravées dans nos mémoires mais il a
toujours été respectueux des appareils qui lui étaient confiés. En
1988, il quittera les essais en vol avec beaucoup de souvenirs et de
décorations. La dernière, la Médaille de l’Aéronautique, lui ayant
été remise par Jean Boulet en 1989. Claude affiche quelque 22 000
heures de vol et a continué à s’occuper
d’hélicos avec la mise au point des appareils comme le
CABRI G2
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de Guimbal
Hélicoptères,
le Rotorway 162 F et le Baby Belle SAFARI. Nous nous voyons de
temps à autre, pas assez souvent à mon goût, nous nous téléphonons
régulièrement pour échanger des idées et parler, bien sûr, d’HELICOPTERES
!
Jean-Marie Potelle
*Pax : formule employée
pour désigner un passager ou un client.
**EPNER :
École du Personnel Navigant d'Essais et de Réception.
Merci à
J-M Potelle pour le récit de cette
rétrospective d'un grand nom de la voilure tournante.
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MAJ 31/10/2013
Nous venons d’apprendre avec tristesse que Claude est parti
pour son dernier vol le 30 octobre 2013, suite à une longue maladie.
"Un sacré pilote" comme l’a si bien écrit Jean-Marie Potelle
et un grand homme du monde aéronautique qui disparaît.
Toutes nos condoléances à sa famille et à ses proches. Chris
Photos © collection Jean-Marie Potelle
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