Une page se tourne
par Natacha Laporte - 11 octobre 2008 - photo panoramique © Gazellon
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Il est 11 heures ce 11 octobre, le ciel est
d'azur, un temps merveilleux pour aller flirter avec lui,
ce que je ferai cet après-midi avec mon vaillant CAP10*. On pourrait
croire qu'aujourd'hui, c'est la journée idéale, pourtant, ce week-end signe, pour
moi, la fin d'une merveilleuse histoire. Les heures passent, c'est bête
mais mon moral est en baisse... Une grande appréhension me saisit à l'idée
que, vendredi en rentrant, après avoir terminé mon travail, il ne sera plus
là, que le décor aura changé, et que rien ne sera plus jamais pareil. Et j'ai
peur de devoir affronter cette réalité. Depuis mon enfance, il faisait
partie de mon horizon, quand au cours et en fin de journée, ou lors |
de week-ends, je le voyais chaque fois. C'était lui qui
m'apportait tout le bonheur du monde aérien. Oui, je sais, j'ai bien
conscience d'être considérée comme folle par certains, que j'en ai saoulé
plus d'un, mais quand on vous sort la tête de l'eau et cela grâce à ce petit
engin bleu et aux personnes qui l'accompagnent, cela crée des liens...
Ma vie je l'ai construite
dans le bleu, mon plus grand rêve ayant été brisé à cause d'un malheureux
centimètre ! Mon deuxième plus grand rêve lui, m'a laissé la chance de
pouvoir évoluer au sein de tout cet azur. Passion quand tu nous tiens ! Elle a envahi mon corps et mon
âme à l'âge de trois ans sur cette fameuse plage où tu t'étais posé devant mes
yeux émerveillés. Ce jour-là, ce fut pour moi "la" révélation : plus jamais je ne
pourrai te quitter !
Je voulais
devenir pilote d'hélicoptère dans la Gendarmerie Nationale ; je me suis battue pour fonder ma vie
sur cette vocation sans jamais "lâcher le morceau". Et puis tu m'as fait découvrir des
personnes exceptionnelles qui, aujourd'hui font partie de moi, de ma famille
simplement ! Ils m'ont prise sous leurs ailes à toujours vouloir
me pousser vers mes rêves sans jamais me décourager, d'y croire
seulement...
Des années ont passé, j'ai commencé à piloter, mais tu n'étais
plus là ; je croyais ton absence définitive puis, par un beau
jour, tu es revenu ; je ne savais même pas que c'était toi mais je l'ai vite
compris, quand, sur le parking, tu t'es mis face à moi en stationnaire, en
te balançant d'avant en arrière avec tes petits appels de phare, avant de te
mettre de profil pour que je comprenne enfin que tu étais de retour après
six mois d'absence, alors j'ai couru vers ta DZ aussi vite que j'ai pu et je
me rappelle si bien : tu me suivais, à la même allure, juste derrière moi.
Et les
bons moments sont revenus, comme le jour de mon lâcher avion où tu es venu
me rejoindre pour me prendre sous ton "aile" en finale, tu m'as raccompagnée
même jusqu'au parking. Quelle belle escorte ! Ce jour-là je ne suis pas prête
de l'oublier, rassure-toi.
Les bons moments se sont multipliés par milliers,
quand tu venais me dire bonjour au-dessus de la maison, tu te rappelles ? Parfois tu t'amusais même à venir me réveiller au milieu de la nuit en me braquant le phare en pleine tête, tu vois
: même s'il était trois heures du matin ! Qu'est ce que j'étais heureuse ! Comme
toutes les fois où tu es venu me faire coucou au boulot, passant juste au-dessus
de moi qui sentais ton souffle, quand tu te balançais de
droite à gauche, tout ça et plus encore... Il y a tant à dire, comme ces endroits où
nous nous retrouvions en pleine campagne ou à la plage et où tu m'en mettais plein la vue
juste pour mon bonheur, de même que, lorsqu'en décollant, je devenais ta
"proie", et qu'alors, le bras levé, j'aurai pu te grattouiller le ventre.
Et puis mon rêve de devenir pilote d'hélico de gendarmerie s'est brisé, mais
pas celui de m'envoler avec toi, même si, je l'avoue, c'était un peu
farfelu !
Même
pour moi : tu étais mon hélico de cœur, j'en ai passé du temps à te
bichonner, te faire briller au retour de tes missions, à rêvasser avec toi,
te voir dès que plus rien n'allait ou dès que j'attendais un résultat comme
celui du Bac ou pour oublier le stress et les ennuis.
Le jour de mes 18 ans, tu avais même laissé ton
hangar pour ma voiture. Quel beau cadeau ! Surtout au DAG**, entourée de mes
parents et tous mes bleus (les hommes du DAG). Tu vas me manquer tu sais, je
me souviens
sans cesse, à tous ces moments
magiques : ces vols en patrouille où tu es venu me voir pour me rendre le sourire, ces fois où,
si bizarre que ça puisse paraître, quand j'allais mal, je te retrouvais en
stationnaire au-dessus de chez moi ou sillonnant le ciel à proximité. Je m'y suis accrochée à
mon rêve fou, ce qui est dingue, c'est qu'il s'est réalisé par étape.
D'abord, un petit coup de « ventilateur », puis un beau jour d'été où
j'ai retrouvé le sou- |
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rire pour attaquer vaillamment mon Bac, avec une mise en route complète après le
crash de Dragon64... Tu as
même sauvé certains de mes proches et ça, je t'en suis infiniment reconnaissante.
Tu as toujours
été la force qui m'a permis d'avancer et d'y croire. Tant de dates m'ont
marquée... Tu te rappelles de ce jour où, en plein oral du Bac de Français, tu es venu
faire tellement trembler les murs, qu'en sortant j'ai couru pour aller te
voir. Et puis, dans ma tête, j'ai vécu et je vis encore mes rêves.
Je me suis envolée à plusieurs reprises avec toi, j'ai quitté le sol
à bord de celui qui, pour moi, personnifiait la passion ; je n'oublierai
jamais, en montagne, en mer, de nuit... maintenant mes vols avec toi se
comptent en heures et c'est sans doute ce dont je suis la plus fière.
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Alors voilà, pour moi, tu
n'es pas un hélico comme les autres, on pourrait me retirer n'importe quel
aéronef, mais pas Toi ! J'ai du mal à imaginer que vendredi tu ne seras plus
là, on ne peut pas me priver de toi ainsi, l'histoire se brise mais je te
promets qu'un jour on se retrouvera et que, demain, je viendrai passer cette ultime journée à tes cotés, avant que l'ange bleu du pays basque ne déserte
le ciel. Alors voilà ! Oui, je vous le confirme : je suis "frappée", mais
qu'importe, j'aurai été heureuse de pouvoir présenter mon JCB** à certains
et je pense qu'ils auront senti un peu, eux-aussi, tout le bonheur que celui-ci m'a apporté. |
A mes bleus, à mon JCB,
merci... Fermons la porte et éteignons les lumières, l'histoire prend fin.
Natacha Laporte alias "Chouchi"
* CAP10 : avion de voltige
** DAG : Détachement Aérien de la
Gendarmerie
*** JCB : AS 350B F-MJCB de la
Gendarmerie. Cet hélicoptère tient une place toute particulière dans le
cœur de Chouchi
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